Milieu de terrain de l’AS Monaco, Romain Padovani (23 ans) s’est engagé cette semaine pour deux saisons avec Portsmouth, relégué en League Two (D4). L’occasion pour lui de réellement lancer sa carrière professionnelle. Car le Français est arrivé un peu par hasard dans ce milieu, au moment même où il s’apprêtait à apprendre un métier dans l’hôtellerie.
Peu d’informations circulent sur toi sur internet. De ce que j’ai pu lire, tu as rejoint l’AS Monaco à 19 ans. C’est assez rare d’intégrer un club professionnel aussi tardivement sans avoir fait de centre de formation.
C’est sûr, ce n’est pas commun (il rigole). Je jouais dans mon club et j’ai passé mon BAC, puis un concours de management en hôtellerie. C’était assez compliqué mais je l’ai réussi. Je voulais gérer un hôtel de luxe, donc c’était la voie idéale. Dans ma formation, qui était à Nîmes, il y avait pas mal de stages, de cours, etc. Sauf que les responsables m’ont dit que ce concours était valable deux ans. En gros, je pouvais revenir l’année prochaine, je n’avais pas besoin de le repasser. J’ai donc vu avec mon père pour tenter ma chance dans le football. Je rejoignais le club de Menton (CFA 2) et je me suis donné la saison pour essayer d’aller jouer plus haut. Comme ça, je n’aurais aucun regret. Et en novembre, je signe à Monaco !
Le club m’avait repéré. J’avais fait trois jours d’essai et on m’a proposé une convention amateur car j’étais trop âge pour être stagiaire pro. C’était énorme car je supporte l’ASM depuis tout petit. Du jour au lendemain, je côtoyais des mecs comme Flavio Roma alors que je devais rentrer en hôtellerie (il rigole). J’étais comme un gamin devant ces joueurs.
Tu es resté au club jusqu’à aujourd’hui sans jamais évoluer avec la première. Pourtant, tu as obtenu un contrat pro me semble-t-il…
Après ma saison d’arrivée, j’ai signé un contrat pro d’une année. Ça se passait bien avec Ricardo. En janvier, il m’a même convoqué avec le groupe pour jouer un match amical contre la Juventus. Me retrouver près de Buffon ou de Nedved, pffiou ! C’était inimaginable pour moi. Malheureusement, il est parti et Guy Lacombe m’a renvoyé en CFA dès la préparation physique. Il ne croyait pas en moi et je me suis fait une rupture des ligaments croisés. Le club m’a quand même prolongé d’une saison mais j’ai subi la même blessure après. Forcément, c’était compliqué de revenir, surtout à Monaco où il y avait plein de milieux. Pourtant, Laurent Banide est venu superviser plusieurs fois la CFA et je savais qu’il m’aimait bien.
Le club a fait le choix de Nampalys Mendy (21 ans le 23 juin), non ?
Guy Lacombe l’a lancé, il croyait beaucoup en lui. C’est un super milieu Mendy, il le mérite. Bulot, Mongongu ou Nkoulou ont pu avoir leur chance aussi. Pas moi (il rigole). Mais bon, je ne vais pas me plaindre.
L’été dernier, tu as fait un essai à Nantes (L2) avant de retourner à Monaco. Que s’est-il passé ?
J’étais en fin de contrat et le club ne voulait pas me garder. Cinq matchs avant la fin de saison, le recruteur de Laval (L2) avait pour mission de m’observer. Dans son rapport final, c’était noté : « On va le prendre. » Dans le même temps, le CA Bastia (National) m’appelle. L’entraîneur, Stéphane Rossi, voulait me signer sans période d’essai. Mais je pensais que ça allait être bon avec Laval, qui était quand même plus intéressant pour moi. Problème, ça a trainé, trainé et quand j’ai rappelé Bastia, on ne m’a jamais répondu.
Mon agent, Fabrice Poulain, a réussi à me trouver un essai à Nantes (L2). Le souci, c’est qu’il cherchait surtout un arrière droit (il rigole). On m’a aligné à ce poste contre le Poirée en Amical. Je n’ai pas été mauvais, j’ai même marqué un but en pourchassant le gardien qui a fait une boulette (il rigole). J’ai joué une autre rencontre milieu droit et une troisième à mon poste, en six. Sauf que Nantes venait de recruter Lucas Deaux du Stade de Reims. Il y avait déjà beaucoup de milieux. Michel Der Zakarian était embêté mais il a été honnête avec moi : « Je ne peux pas te signer pour que tu restes sur le banc. Tu as besoin de jouer. »
« Un jour, un agent m’appelle pour me dire : on prend l’avion demain. Sauf qu’il ne m’a jamais répondu ensuite ! »
Ton agent avait déjà essayé à l’époque des pistes étrangères ?
Un de ses collaborateurs, oui. On m’avait parlé de Charlton (D2), du Rayo Vallecano (D1 espagnole). Un jour, il m’appelle pour me dire : « On prend l’avion demain. » Sauf qu’il ne m’a jamais répondu ensuite !
Comment es-tu revenu à Monaco finalement ?
Je me suis entretenu en solitaire tout l’été. Frédéric Barilaro, le directeur du centre de formation, m’a proposé de revenir en amateur. Plusieurs personnes du club m’ont tendu la main pour que je puisse garder la forme et jouer. C’était la meilleure option pour me montrer. Dans ma tête, je me disais que j’avais encore une petite chance de percer, donc pas question d’abandonner. Et cette année s’est très bien déroulée.
Avec l’effectif pléthorique de l’ASM, arrives-tu quand même à jouer régulièrement malgré la descente de nombreux pros ?
Le coach, Bruno Irles, donne la priorité aux joueurs qui méritent leur temps de jeu. Vu que j’ai plutôt été bon cette saison, je suis toujours titulaire. Ce qui est assez marrant, car les stagiaires pros ou des pros sont parfois sur le banc (il rigole). Dans un match contre Cannes, j’étais le seul amateur sur le terrain d’ailleurs.
Tu as joué en Angleterre un match test en avril où tu as tapé dans l’œil de Leyton Orient (D3). Raconte-nous ton arrivée et cette journée épique. De ce que je sais, tu as dû te lever très tôt…
(Il rigole) Je me suis levé à 4h du matin pour prendre l’avion et jouer à 14h là-bas. On était 16 joueurs à l’essai et j’ai été le seul retenu. J’ai pu m’entraîner quelques jours avec eux. L’entraîneur (Russell Slade) m’aimait bien. Il m’a demandé de revenir la semaine prochaine ou en préparation, mais sans la garantie d’un contrat. Ce n’était pas l’idéal car j’étais dans l’incertitude. Sinon, je suis arrivé en Angleterre grâce à Sylvain Legwinski, adjoint de Bruno Irles, qui a parlé de moi en novembre dernier à Sebastien (Ewen, agent anglais). Il m’a souvent appelé et on a bien accroché. Ce que j’ai aimé avec lui, c’est qu’il ne m’a rien promis, il a été honnête.
Une semaine après mon essai à Leyton, il m’a proposé de faire un jour d’entraînement à Portsmouth : « Si tu es bon, ils peuvent te proposer un contrat direct. » C’est ce qui s’est passé.
En un seul entraînement tu as convaincu le club ?
J’ai été très bon il faut dire (il explose de rire) ! Après, je suis rentré sur Nice quatre, cinq jours, histoire de réfléchir. Je n’ai pas hésité bien longtemps. Un contrat de deux ans en plus, c’est top. Niort (L2) m’a aussi contacté, mais j’ai senti que le directeur général était beaucoup plus intéressé que le coach par ma venue. Je ne voulais pas m’embarquer dans une saison galère et Portsmouth, franchement, ça me fait un peu rêver. Les fans, l’histoire du club, le stade. Même le groupe que j’ai vu, si on parvient à le garder, est rempli de qualités.
C’est le véritable début de ta carrière pro en somme…
Voilà. C’est un soulagement et une récompense pour tout ce que j’ai fait. Mais il reste 95% du boulot à accomplir ! Je vais me bouger et prouver que je peux jouer. Ce que j’aime, c’est que j’ai mon destin entre les mains comme on dit. Et ça, ça me motive encore plus.
Bonus : Voir le but depuis le milieu de terrain de Romain Padovani